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Page:Segalen - Les Synesthésies et l’école symboliste.djvu/26

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Les Synesthésies ne sont pas Symptômes de Dégénérescence, mais de Progrès. — Les procédés synesthésiques étant ainsi posés en initiateurs de toute une École, le Symbolisme ; de tout un mouvement, le Wagnérisme et la musique « Expressive », il était indiqué, pour M. Max Nordau, de leur étendre son réquisitoire, ses accusations contre la santé des œuvres modernes. C’était pour lui morceau de roi. Car, en faire palper la morbidesse, les convaincre de tares, les cataloguer sans appel en son répertoire général des Dégénérescences, c’était, du même coup, signer le billet d’hôpital, voire même d’asile, de tous leurs protagonistes.

Il n’y manqua point. Sa théorie « atavique » de l’audition colorée est parmi les moins flatteuses. Ayant rappelé et remis à sa place le sonnet fantaisiste de Rimbaud, et sévèrement apprécié le zèle intempestif de René Ghil et Francis Poictevin, il remonte d’un bond aux états d’âmes préhistoriques, aux modes de sentir antédiluviens, et jette un coup d’œil sur la psychologie des Mollusques : — la Pholade, par exemple, possède pour tout appareil sensoriel un siphon, mais un siphon remarquablement doué, « sensible à toutes les impressions extérieures, lumière, bruit, contact, odeurs »[1]. L’animal en question « voit donc, entend, sent, flaire avec cette seule partie du corps ; son siphon

    amis George Varenne et Pierre Richard pour l’application musicale, qu’ils nous rendirent aisée, de ces théories, en y conformant les rythmes et les sonorités de leurs « Chansons colorées ».

  1. Au fond, ce ne sont pas là propriétés spéciales audit mollusque. Le premier amibe venu peut en témoigner. La Pholade est surtout connue des zoologistes par de plus curieuses propriétés : celle, entre autres, d’émettre de la lumière par l’action réciproque de deux ferments.