Page:Segalen - René Leys.djvu/234

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Même soir. — Lui parti, je reste tout d’un coup singulièrement gêné devant moi-même. Voilà moins d’une année que je connais ce garçon. Il m’a raconté toute son histoire, et ses histoires. Je n’en ai rien dit à personne. Je dégustais le développement et la saveur sans un doute sur la réalité.

Or, aujourd’hui, — est-ce d’aujourd’hui seulement ? — je doute de quelque chose… c’est-à-dire, d’un seul coup, — de tout.

L’un est aussi déplacé que l’autre. Il y a le même élément de créance brutale à tout croire ou à tout repousser. Je me reprends : je m’explique : ce n’est pas devant le merveilleux de l’aventure que l’on doit se récuser. Il ne faut pas tourner le dos au mystérieux et à l’inconnu. Les rares instants où le mythe consent à vous prendre à la gorge… à solliciter son entrée parmi les faits quotidiens de la vie…, les minutes hallucinées mensurables pourtant à la montre, — dont le battement retentit ensuite sur les années, — il ne faut rien négliger de cela…

Le fait existe : ce garçon m’a raconté des histoires mystérieuses et merveilleuses. Une seule. Il m’a laissé voir, il m’a conduit, il m’a ouvert… Oh ! voici que pour la première fois depuis si longtemps son surnom chinois me revient à l’oreille : il m’a véritablement ouvert au long des nuits chaudes ou froides, la porte de laine au logue de jade du « Jardin Mystérieux » dont il semblait le maî-