Page:Segalen - René Leys.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tiennent pas : on les lisait dans tous les journaux, mais je m’accuse de cette question répétée :

— Dites-moi, Leys : une Mandchoue peut-elle être aimée d’un Européen… et… — Et quinze jours après il était aimé d’une Mandchoue…

Enfin, enfin, je m’accuse de lui avoir tenu, voici quatre jours exactement, le propos trop suggestif : « Pensez donc au poison »… Il a répondu : « Merci de m’y avoir fait penser »… m’a pris au mot et ne s’est pas démenti.

Il ne s’est jamais démenti. L’interrogatoire incisif dans la claire nuit froide ne pouvait conduire à rien. Je demandais : oui ou non, as-tu… Mais j’aurais été cent fois déçu s’il avait renié ses actes, même inventés ; mais je tremblais plus que lui à sentir vaciller le bel échafaudage… Mais j’entendais venir sa réponse : il m’aurait plus durement trompé en me détrompant sans pitié. Il est resté fidèle à ses paroles et peut-être toujours fidèle à mes paroles…

Tout ce que j’ai dit, il l’a fait, à la chinoise, puisqu’il vient, à la chinoise, de m’en donner, par sa mort, la meilleure preuve — qu’il préférait perdre la vie et sauver la face… et ne pas se trahir ni me trahir ; et ne pas démériter… Tout ceci est donc vrai à « la chinoise » ?

Tout ce que j’ai dit, il l’a fait, même un enfant.

Cette preuve réclamée par moi, posée par moi … la preuve cruciale : l’enfant : de lui-même, il me l’a dit : — C’est un gros garçon… si cet