Page:Segalen - René Leys.djvu/47

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— Oh ! Par exemple !

J’entends encore la candide voix de René Leys qui a si peur de coucher hors de sa famille. Ou bien, qu’il s’arrange, avec sa réputation ! C’est affaire à lui. Je répète à voix haute cette fois :

— C’est affaire à lui.

Mon brave homme de voisin semble vexé. Il attendait sans doute la réponse classique : « Il s’amuse, c’est bien de son âge ». Je suis sûr qu’il l’attendait ! mais le silence le rend tout d’un coup moraliste : Ce jeune noceur, explique-t-il, a un père. Ce père fut un homme marié ; actuellement, c’est un veuf ! Un homme respectable ! Et jamais, lui (mon voisin) l’ami du père, jamais il ne dira tout ce qu’il sait…

Je laisse aller. Ce qu’il sait se réduit à ceci : René Leys fréquente assidûment toutes les nuits les « maisons de thé » à Ts’ien-men-waï. Il s’arrête :

— Vous savez ce que c’est ?

— Ts’ien-men-waï ? Oh !… je vois ça d’ici. Et ensuite ?

Ensuite, mon moraliste change de ton et s’en vient de lui-même à excuser celui qu’il chargeait tout à l’heure.

René Leys, paraît-il, a passé par une enfance négligée. Il a eu le malheur… (on n’ose jamais appeler ceci d’un autre nom), il a eu le malheur de perdre sa mère à l’âge où l’on refait ses premières dents. (Je ne saurai donc pas si cette mère valait la peine d’être gardée.) Elle était Française. (C’est