Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/100

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Son peuple dispersé dans ses autres vaisseaux.
La nef du fort Capys, la galère d’Anthée,
Ou celle de Cayque à la poupe argentée.
Sur la face des mers, rien ne s’offre à ses yeux :
Il voit trois Cerfs errants dans ces sauvages lieux ;
Une harde nombreuse apparaît à leur suite,
Les reconnaît pour Chefs, marche sous leur conduite ;
Avec eux va paissant par les sombres vallons,
Ou bondit après eux sur la croupe des monts.
Enée à cet objet se retourne, et se hâte,
Prend l’arc et le carquois de son fidèle Achate,
Fait tomber les trois Cerfs sous l’effort de ses traits,
Poursuit le reste épars dans le bocage épais ;
Et contre ces grands corps à la superbe tête,
Ne cesse de ses dards la soudaine tempête,
Que sept ne tombent morts, que par un sort fatal
Il n’en rende le nombre à ses vaisseaux égal.
Il rejoint les Troyens campés sur le rivage,
Leur étale sa proie, entre tous la partage
Avec le vin fumeux, qu’en se quittant au port,
Aceste ce bon Roi fit porter dans son bord.
Il les anime tous, les plaint, et les console ;
Puis d’un ton élevé, prend ainsi la parole :
    « Fidèles Compagnons de mon triste destin,
De tant et tant de maux nous trouverons la fin.
Par tant de régions, sur tant de mers diverses,
Nous avons enduré de plus rudes traverses :
Nous avons affronté Scylle aux chiens dévorants.
Nous avons entendu ses rochers murmurants,
Des Cyclopes cruels vu les affreux visages,
Et navigué leur mer si féconde en orages.
Bannissez la terreur, Troyens, rassurez-vous ;
Ce souvenir amer un jour nous sera doux.
Aux beaux champs, où seront nos misères bornées,
Renaîtront d’Ilion