Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/101

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les douces destinées.
Amis, réservons-nous pour un si grand espoir,
La promesse des Dieux nous permet de l’avoir. »
    Ayant fini ces mots, il veut que l’allégresse
De son auguste front écarte la tristesse ;
Qu’un doux souris aux siens promette un sort meilleur ;
Mais son cœur au-dedans est pressé de douleur.
    Avide de la proie est la Troupe affamée,
Ils dépouillent les Cerfs sous la verte ramée ;
Des broches par morceaux, les percent tout tremblants ;
Plongent les rouges chairs dans les airains bouillants ;
Entretiennent autour la flamme pétillante,
Puis dévorent leur chasse encor toute sanglante ;
Se remplissent de vin, et sur l’herbe étendus
Déplorent à l’envi leurs Compagnons perdus ;
Ou tenant leur salut hors de toute apparence,
Ou conservant pour eux une faible espérance.
Leur grand Chef entre tous, d’Oronte plaint la mort,
Plaint Amyque, et Gyas, incertain de leur sort ;
Une vive douleur l’agite te le tourmente
Pour le vaillant Lycus, pour le brave Cloante.
Tels étaient leurs pensers ; quand du plus haut des Cieux,
Jupiter jette l’œil sur ces terrestres lieux ;
Parcourt les nations, les mers et les rivages,
Puis fixe ses regards sur les Libyques plages.
Comme il roule en son cœur cet important souci,
Vénus, les yeux en pleurs, l’aborde et parle ainsi :
    « Arbitre souverain du Ciel et de la Terre,
Dieu, le plus grand des Dieux, et maître du tonnerre,
Quels forfaits ont commis Enée et ses Troyens
Que dans le doux espoir des bords Ausoniens,
Après tant de périls sur la terre et sur l’onde,
Ils se trouvent encor bannis de tout le monde ?