Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/99

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Et se trouvent portés vers les Libyques plages.
Au lieu le plus désert de ce sauvage Bord,
Sous sa pointe avancée, une Ile fait un Port,
Cache un Golfe paisible, où l’inconstant Nérée
N’a jamais troublé l’Onde en tout temps azurée.
Deux Montagnes autour s’élèvent jusqu’aux Cieux,
Et font taire des Flots les abois furieux ;
Une haute Forêt de ses feuillages sombres,
Couronne leur sommet, et porte au loin ses Ombres ;
La Nature au dessous forme un Antre plaisant,
Où d’une eau claire et vive est le cristal luisant,
Qui sur un gravier d’or excite un doux murmure,
Alentour d’un long banc de mousse et de verdure,
Où laissant quelquefois leur humide séjour,
Les Nymphes et Thétis viennent faire leur Cour.
    Jamais l’ancre en ce Bord n’enfonça dans les sables ;
Jamais Nef n’eut besoin d’y déployer ses câbles.
Avecque sept Vaisseaux de sa Flotte restés,
Le grand Enée aborde en ces lieux écartés.
Aussitôt les Nochers s’élancent sur la Plage,
Les soldats fatigués s’étendent sous l’Ombrage,
Goûtent l’air de la Terre, et dans le doux repos,
L’aise d’être échappés à la fureur des Flots.
    Les uns d’un dur caillou font voler la flammèche,
Vive la font tomber sur une feuille sèche,
Lui donnant nourriture, et toujours l’augmentant,
Allument sur la rive un brasier éclatant.
D’autres des blés mouillés réparent le dommage,
Les tirent des vaisseaux, les sèchent au rivage,
Sous le pesant rocher pulvérisent le grain,
Rendent les fours ardents, et préparent le pain.
    Leur grand Roi cependant au plus haut de la dune,
Attache ses regards sur le champ de Neptune,
Etend au loin sa vue, et cherche sur les eaux