Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/104

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Un jour tu le verras à ma divine table
Boire le doux nectar avec les Immortels,
Et comme eux, des humains recevoir des autels.
Alors la sainte Foi gouvernera la terre,
Clora de cent verrous les portes de la guerre ;
Et la Fureur impie enchaînée au-dedans,
En vain rongeant ses fers de ses cruelles dents,
Et par ses cris affreux rappelant le carnage,
Au fond d’un noir cachot écumera de rage. »
    A ces mots, du plus haut de l’Olympe étoilé,
Il dépêche ici bas son Messager ailé
De crainte que Didon, du destin incertaine,
N’éloigne les Troyens de la Terre Africaine.
Mercure prend son vol, son vol prompt et léger ;
Il fend les airs, et vient en ce bord étranger,
S’acquitte de son ordre, et bientôt dans Carthage
Adoucit par son art l’âme la plus sauvage ;
Et la Reine sur tous prend pour ces malheureux
Les nobles sentiments d’un esprit généreux.
    Mais le pieux Enée en cette solitude
Roule dans son esprit sa triste inquiétude :
A peine il aperçoit les premiers traits du jour
Qu’il veut savoir quel est ce barbare séjour,
Voir s’il est habité ; car au long de la plage,
Tout ce qu’il découvre est inculte et sauvage.
Prenant donc en sa main deux dards au large fer,
Il laisse ses vaisseaux au bord de cette mer,
A l’abri des vieux Pins de la sombre montagne ;
Entre dans la forêt, Achate l’accompagne,
Quand vénus déguisant ses célestes appas,
Au milieu de ces bois s’offre devant ses pas.
Telle une jeune Vierge est dans Lacédémone,
Telle est aux champs de Thrace une belle Amazone,
Qui pressant du talon un coursier écumeux,
Passe en légèreté l’Hèbre