Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/105

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au cours si fameux,
Sur les lys de son sein on voit ses tresses blondes
Au gré des doux Zéphyrs flotter en grosses ondes ;
Chasseresse, elle avait le brodequin chaussé,
Le carquois sur le dos, et le bras retroussé.
« N’avez-vous point, dit-elle, autour de ces montagnes
Rencontré par hasard une de mes Compagnes,
Courant l’arc en main, et pressant de la voix
Un Sanglier qui fuit au travers de ces bois ? »
Ainsi parle au Héros la Reine de Cythère ;
Ainsi répond Enée à sa divine mère :
Nous ignorons quel est l’objet d’un soin si doux,
Mais qu’il doit être beau, s’il l’est autant que vous !
Objet, que je ne sais comment nommer encore,
Et qui déjà pourtant dans mon âme j’adore ;
Car sans doute à vous voir avecque tant d’appas,
Les mortelles beautés ne vous égalent pas.
Nymphe donc, ou Déesse, ou la chaste Diane,
Ne vous offensez point des regards d’un profane,
Et daignez par pitié de tant d’adversités
Nous apprendre en quel lieu le sort nous a jetés.
Réduits par la tempête en l’état où nous sommes,
Nous errons sans connaître, et les lieux, et les hommes.
Je veux à l’avenir au pied de vos autels,
Vous rendre les devoirs qu’on rend aux Immortels. »
    La Déesse répond : « De cet honneur insigne,
Généreux étranger, je me confesse indigne.
Mon habit te surprend ; mais c’est ainsi qu’à Tyr
Les filles de mon âge aiment à se vêtir.
Ici sont les confins du Punique rivage ;
Didon fuyant son frère y règne dans Carthage ;
Et contre un peuple ardent au dur métier de Mars,
Relève d’Agénor les antiques remparts.