Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/114

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De mon règne naissant la faible autorité
Fait veiller cette garde avec sévérité.
Qui ne sait d’Ilion la triste destinée,
Qui ne sait les vertus du valeureux Enée ?
Ici luit comme ailleurs le clair flambeau du jour,
Et nous n’habitons point un barbare séjour.
Soit que tous vos projets se bornent en Sicile,
Soit que vous aspiriez au rivage fertile
Renommé par Saturne et son règne doré,
Mon secours est tout prêt, et vous êtes assurés
Que si las de tenter ces fortunes diverses
Vous voulez dans ces lieux finir tant de traverses,
Sortez de vos vaisseaux, magnanimes Troyens,
Partagez mes faveurs avec mes Tyriens ;
Et plût au juste Ciel que votre vaillant Prince,
Poussé du même vent, abordât ma Province.
Je veux pour le chercher qu’on coure tous les ports,
Les rochers, les forêts de ces Libyques bords. »
    Le valeureux Achate et son illustre Maître,
Animés par ces mots, sont tentés de paraître ;
Achate le premier l’en sollicite ainsi :
    « Vaillant fils de Vénus, qui nous retarde ici ?
La Fortune nous rit, nous flatte, et nous seconde :
Nos amis sont sauvés de la fureur de l’onde,
Tous nos vaisseaux au port, hors la nef qu’à nos yeux
Abîma sous les flots l’Aquilon furieux :
Tout répond aux discours de ta divine Mère. »
    A peine il a parlé que devenant plus claire,
La nue en l’air s’écoule, et fait paraître au jour
Le Troyen, digne fils de la mère d’Amour.
Il paraît tel qu’un Dieu : la charmante Déesse
Lui prête l’immortelle et céleste jeunesse,