Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/192

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D’une nouvelle amour les douces aventures
Troublent-elles les morts aux noires sépultures ?
Je veux que dans Carthage, ou dans Tyr autrefois,
Vous ayez dédaigné les vœux de tant de Rois,
Qu’Hyarbe en vain soupire, et ces grands Capitaines
Dont la gloire remplit les terres Africaines.
Votre douleur trop juste en ses commencements
Devait avec raison éloigner ces amants.
Mais voulez-vous combattre un amour agréable ?
Et ne songez-vous pas combien est redoutable
Le nombre d’ennemis qu’ont voit de toutes parts
Répandus à l’entour de nos nouveaux remparts ?
Là sont des Barcéens les arides frontières,
Ici du Gétulois sont les villes guerrières,
La Syrte étend au loin son sable inhabité,
Là méprise les lois le Numide indompté.
De notre avare Frère ignorez-vous l’audace,
Et quels affreux combats vont suivre sa menace ?
La faveur de Junon, et la bonté des Dieux
Seules font aborder cette flotte en ces lieux.
Que Carthage va croître, et que la destinée
Lui promet de grandeur par ce grand hyménée
Que vous allez combler, et de gloire, et de biens,
Quand vous joindrez sa force aux armes des Troyens.
Allons aux Immortels consacrer cet ouvrage,
Et puis pour l’arrêter mettre tout en usage,
Maintenant que les vents bouleversent les flots,
Qu’Orion fait trembler les plus fiers matelots,
Que jusque dans le port la saison implacable
A ses vaisseaux brisés se montre formidable. »
    Ce discours de la Reine accroît la vive ardeur,
Rassure son espoir, affaiblit sa pudeur.
Elles courent au temple, et par leurs sacrifices
Invoquent tous les Dieux contraires et propices ;
De Phébus, de Bacchus