Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Pourvu que le succès réponde à ton dessein !
Mais l’arrêt des destins tient mon cœur incertain.
Penses-tu que des Dieux le grand arbitre change,
Souffre cette union, consente à ce mélange,
Et dans les mêmes murs te veuille assujettir
Les restes de Pergame, et le peuple de Tyr ?
Découvre son projet, toi sa sœur et sa femme,
Commence seulement, je conduirai la trame.
- Laisse-moi, dit Junon, sonder ces grands secrets,
Et sache cependant le dessein que je fais.
Pour chasser dans ces bois avec son cher Enée,
Demain s’y doit trouver la Reine infortunée,
Sitôt que le Soleil sortant du sein des mers
Viendra de ses rayons redorer l’univers.
Là, quand à mes regards vers les toiles tendues
S’offriront des Veneurs les troupes épandues,
Je fondrai de mon trône, et lancerai sur eux
D’une grêle imprévue un amas ténébreux ;
J’ébranlerai le ciel d’un éclatant tonnerre ;
Tous fuiront, et la nuit s’épandra sur la terre.
Dans une même grotte, au lieu le plus désert,
La Reine et le Troyen chercheront le couvert ;
Avec le blond Hymen tu m’y verras présente,
Et si dans ce projet tu demeures constante,
D’un lien éternel j’unirai ces amants. »
    Vénus feint de pencher aux mêmes sentiments ;
Mais d’un œil pénétrant elle voit la finesse,
Et sourit en quittant la jalouse Déesse.
Cependant l’astre heureux de la Mère d’Amour
Sort des flots avec l’aube, et ramène le jour.
La Reine est diligente, et la Cour de Carthage
Se rend à son palais dans un riche équipage ;
On l’attend à la porte où son cheval fougueux,
Couvert de pourpre et d’or, mord son frein écumeux.
Déjà