Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/197

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Tient ces troupeaux craintifs indignes de son cœur ;
Pour coup d’essai souhaite à sa jeune vigueur
Qu’un affreux sanglier traverse les campagnes,
Qu’un lion rugissant descende des montagnes.
Cependant l’air se trouble, et du ciel ébranlé
Gronde un nuage épais et de grêle mêlé.
La fleur des Tyriens, la Troyenne jeunesse,
Le charmant petit-fils de la belle Déesse,
Tout fuit l’orage obscur, et du sommet des monts,
Les torrents furieux roulent à gros bouillons.
    Dans un antre écarté, la reine de Carthage
Seule avec son Amant se sauve de l’orage :
Junon de cet hymen serra le nœud fatal ;
La terre la première en donna le signal ;
Les cieux d’astres nouveaux, et d’éclairs resplendirent ;
Des Nymphes sur les monts les longs cris retentirent.
    Ce jour vraiment fatal, source de tant de pleurs,
Vit naître de Didon les célèbres malheurs.
Son indomptable ardeur sous le nom d’hyménée
La rend malgré les bruits en sa faute obstinée :
Sans soin de son honneur, sans égard pour sa cour,
Elle ne songe plus à cacher son amour.
    Bientôt la renommée étend ses grandes ailes,
Vole par la Libye, et sème ces nouvelles,
La renommée agile, et dont l’agilité
Redouble dans l’effort de son activité.
Faible au commencement, de crainte elle est rampante ;
Mais le temps la rassure, et ses forces augmente :
Elle marche sur terre, et porte jusqu’aux cieux
Son visage imposteur, son front audacieux.
Contre les Immortels la terre courroucée