Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/198

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Du juste châtiment d’Encelade et de Cée,
Donna pour digne sœur aux Géants accablés
Cet oiseau si léger, ce monstre aux pieds ailés.
Monstre énorme et terrible ! Incroyable merveille !
Sous chaque plume il cache une attentive oreille,
Une bouche tonnante, un œil toujours veillant ;
Enfin elle sait tout, et toujours va parlant.
La nuit elle fend l’air dans le morne silence,
Sans qu’un sommeil flatteur cède sa vigilance ;
Le jour au haut des tours ou des palais des Rois,
Elle écoute, elle observe ; et sa terrible voix
Toujours prête à parler, et toujours éloquente,
Dans les peuples répand la confuse épouvante :
Aussi ferme à défendre un discours inventé
Que prompte à publier l’obscure vérité.
    Cette Déesse alors de récits inutiles,
A son gré remplissait, et les champs, et les villes ;
Sans bornes confondant les incidents certains,
Avec ses jugements, et ses présages vains.
Elle dit hautement qu’un second hyménée
Avait uni Didon et le Troyen Enée ;
Que plongés dans le luxe et parmi les festins,
Indignes de leur gloire et de leurs grands destins,
Ils en font à l’amour de honteux sacrifices,
Et consomment l’hiver dans les molles délices.
Le bruit que cette voix sème entre les mortels
Vient jusqu’au Prince Hyarbe, au pied des saints autels ;
Rallume dans son cœur son amour méprisée,
Et d’un ardent courroux rend son âme embrasée.
    Ce grand Roi né d’Ammon, quand vaincu par l’amour
Il ravit Garamante en ce brûlant séjour,
Au Roi des Immortels, par ses provinces amples,