Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/199

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Consacra cent autels, fonda cent riches temples ;
Entretint avec soin le feu mystérieux,
Garde toujours veillante au service des Dieux ;
Engraissa le terrain du sang de ses victimes,
Et couronna de fleurs les portiques sublimes.
Dans les premiers transports de l’aveugle fureur
Qu’un sensible mépris alluma dans son cœur,
On tient que dans le temple au Roi des Dieux son père,
Levant au ciel les mains, il fit cette prière :
    « Tu vois cette injustice, Arbitre des destins,
Toi que le peuple More invoque en ses festins,
Quand sur de riches lits t’offrant les tasses pleines,
Il célèbre ta gloire aux fêtes Africaines ;
Tu la vois, ô mon Père, et ne la punis pas !
Ce n’est donc qu’une erreur de redouter ton bras,
Ta colère est aveugle, et ton bruyant tonnerre
D’un murmure frivole épouvante la terre.
L’ingrate vagabonde, à qui par ma bonté
J’ai permis de bâtir son étroite cité,
Qui tient de ma faveur l’asile en ce rivage,
Qui vivant sous mes lois me doit un juste hommage,
De mon royal hymen a méprisé l’honneur,
Et reçoit un Troyen, un banni pour seigneur.
Et ce nouveau Pâris, ce fugitif Enée,
Voit rire de mes feux sa cour efféminée,
Se fait sacrifier mes vœux et mes soupirs,
Et m’enlève l’objet de mes plus chers désirs,
Pendant qu’à tes autels notre magnificence
Conserve le renom de ta vaine puissance. »
    Jupiter l’entendit ; et ses veillants regards
Apercevant soudain dans les nouveaux remparts
Ces amants ennemis de leur gloire future,