Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/200

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D’un ton majestueux il s’adresse à Mercure :
    « Va, dépêche, mon fils, sur l’aile des Zéphyrs,
Va trouver le Troyen qui parmi les plaisirs
Indignement s’endort dans les murs de Carthage,
Et de son grand destin néglige le partage.
Fends les airs et lui parle. Est-ce là ce vainqueur
Dont sa charmante mère élevait le grand cœur ?
Qu’elle a deux fois sauvé des fureurs de la guerre,
Qui doit dompter l’orgueil de l’Italique terre ?
Dont le sang doit régner sur cent climats divers,
Et sous de justes lois ranger tout l’univers ?
Si son cœur insensible à l’amour de la gloire
D’un honneur immortel méprise la mémoire,
S’il envie à son fils le sceptre des Romains,
Quel espoir le retient ? Par quels plus hauts desseins
Pour ces bords ennemis cède-t-il l’Ausonie,
Et l’honneur de fonder les murs de Lavinie ?
Qu’il parte, je l’ordonne ; et vole promptement
Lui porter ce reproche, et mon commandement. »
    Mercure obéissant aux ordres de son père,
Attache à ses talons l’aile prompte et légère,
Qui l’élève au-dessus des terres et des mers,
Et fend comme les vents l’immensité des airs.
Il porte dans sa main le fatal Caducée,
Par qui dans les enfers une Ombre est repoussée,
Par qui, quand il lui plaît, il la ramène au jour,
Et par qui le sommeil vient, et fuit tour à tour.
Par sa vertu divine il perce les nuages,
Chasse les vents mutins, écarte les orages ;
Et découvre bientôt par ses vites efforts,
D’Atlas son noble aïeul, l’épouvantable corps :
D’Atlas dont le sommet se cache dans la nue,
Et qui porte le Ciel sur sa tête chenue.
Les pins qu’on voit de loin lui servir de cheveux,