Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/201

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Sont battus de la pluie et des vents orageux ;
De glaçons distillant sa barbe est hérissée ;
Sur son dos spacieux la neige est dispersée,
Du menton du vieillard les torrents vagabonds
Tombent blanchis d’écume, et s’élancent par bonds.
    Volant d’un vol égal, là vint reprendre haleine
Le Dieu qui prit naissance au sommet de Cillène,
Puis d’un second effort il suit le bord des eaux,
Dans son rapide cours semblable à ces oiseaux
Qui volent sur les bords d’une mer poissonneuse,
Entre les durs rochers et la vague écumeuse.
Ainsi fendent les vents par le milieu des airs,
Fondit le sang d’Atlas sur ces libyques mers.
A peine s’approchant des remparts de Carthage,
De ses talons ailés il touchait le rivage,
Que d’abord le Troyen s’offrit à ses regards,
Partageant les maisons, et traçant les remparts.
Il voit à son côté sa redoutable épée,
Brillante de rubis sur la garde jaspée,
Et la superbe écharpe, où d’un art curieux
L’or brodé sur la pourpre étincelle à ses yeux,
Riche don de la Reine et son plus bel ouvrage.
Alors le Dieu l’aborde, et lui tient ce langage :
    « Esclave d’une femme, est-ce ainsi que ton cœur
A l’enclos de ces murs renferme ta grandeur ?
Que par un faible appas ton âme captivée
Renonce à la puissance à ton sang réservée ?
L’Arbitre indépendant qui tient tout sous sa loi,
De l’Olympe étoilé me dépêche vers toi ;
Par son ordre des airs fendant le vide immense,
Je viens te demander : quelle est ton espérance ?
Si tu mets en oubli ton illustre destin,
Veux-tu priver ton fils de l’empire Latin ?
Songe à l’aimable Ascagne, et que ton amour vaine