Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/211

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Veillaient les pommes d’or des Nymphes Hespérides.
Par ses magiques vers elle peut dans un cœur
Guérir ou redoubler l’amoureuse langueur.
Elle fait remonter un fleuve vers sa source ;
Des flambeaux éternels elle arrête la course ;
Trouble jusqu’aux enfers le long repos des morts,
Et les ramène au jour revêtus de leurs corps.
Sous ses pieds tu verras mugir les creux abîmes,
Les pins, des monts hautains abandonnent les cimes.
J’en atteste les Dieux, et toi ma chère Sœur,
Qu’à regret j’ai recours à son art enchanteur.
Toi par pitié des maux dont je suis tourmentée,
Choisis dans mon palais une place écartée :
Dans ce lieu découvert aux regards du soleil
Prépare d’un bûcher le lugubre appareil ;
Mets-y de mon amour les pitoyables restes,
Mets-y de mon hymen les dépouilles funestes :
Le fer que me laissa ce lâche suborneur,
Et le lit nuptial, tombeau de mon honneur.
La Prêtresse connaît par sa science noire
Qu’ainsi doit du trompeur s’abolir la mémoire. »
Alors elle pâlit ; mais sa sœur ne croit pas
Que ce feint appareil déguise son trépas,
Ou que dans la douleur dont son âme est touchée,
Son transport soit plus grand qu’à la mort de Sichée.
Donc elle accomplit l’ordre, et le bûcher dressé,
La torche préparée, et le bois entassé,
Didon vient elle-même orner ce triste ouvrage
Des funèbres cyprès au verdoyant feuillage ;
Répand à pleines mains des corbeilles de fleurs,
Sur ces restes chéris, la source de ses pleurs ;
Et sûre du succès de sa feinte magie,