Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/212

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Du trompeur sur le lit élève l’effigie.
Les autels sont dressés, et les cheveux épars,
Sur ce triste appareil jetant d’affreux regards,
D’une touchante voix, l’ancienne Prêtresse
Invoque tous les noms de la sombre Déesse,
Le ténébreux Chaos, Diane au triple front,
Les trois cents Déités de l’Erèbe profond.
L’onde du feint Averne est par elle épanchée,
Le suc d’un noir venin, mainte herbe recherchée
Au rais du croissant pâle en un climat lointain,
Et qu’on ne moissonna que d’une faux d’airain.
Elle ajoute la chair, que pour ce noir mystère
Sur le front du poulain on dérobe à la mère
Dans le fatal moment qu’elle le met au jour,
Par qui meurt, ou s’allume un violent amour.
La Reine aux saints autels, les saints gâteaux présents,
Un pied nu, l’œil en pleurs, et sa robe traînante,
Elle atteste les Dieux, résolue à la mort,
Et les feux immortels complices de son sort ;
Puis remet au tonnerre à venger ses injures,
S’il est au ciel des Dieux pour les amants parjures.
L’ombre couvrait la terre, et le Dieu du repos
Par toute la nature épandait ses pavots ;
Les astres qui roulaient dans le profond silence,
Partout voyaient régner la morne nonchalance ;
Par les champs émaillés, par les affreux déserts,
Dans les sombres forêts, dans les profondes mers,
Et la troupe écaillée, et les troupeaux sauvages,
Et les chantres ailés, l’honneur de nos bocages,
Languissaient dans les bras du sommeil enchanteur,
Qui chassait le soin triste, et l’importun labeur.
Seule entre les mortels la malheureuse Reine
Ne peut du Dieu flatteur souffrir la douce chaîne ;
Ne peut fermer les yeux, ni dans son cœur blessé