Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/220

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avec toi périt par ta fureur.
Que d’une eau vive au moins je lave ta blessure ;
Y collant mes baisers : si par cette ouverture
Ton esprit généreux a pu ne point sortir,
Je veux le recevoir dans ton dernier soupir.
    Au plus haut du bûcher, soudain s’étant lancée,
Elle tenait sa sœur entre ses bras pressée,
Tâchait d’entretenir sa mourante chaleur,
Essuyait sa blessure, et pâmait de douleur.
Aux funestes accents de sa voix languissante,
Didon tâche d’ouvrir sa paupière pesante ;
Mais la force lui manque, et ses derniers sanglots,
Mêlés avec son sang qui bouillonne à grands flots,
Dans le fond de son sein font un triste murmure
Qui présage sa fin, et sort par sa blessure.
Trois fois en cet état sur son lit se dressant,
Trois fois elle retombe, et d’un œil languissant
Elle cherche le jour dont l’Olympe se dore,
Et gémit de douleur le revoyant encore.
Junon voit de son trône une si longue mort,
Soupire dans son cœur, plaint ce funeste sort ;
Et fait partir Iris, sa céleste courière,
Pour mettre en liberté cette âme prisonnière ;
Détacher ses liens, et chasser de ce corps
La chaleur qui soutient ses rebelles efforts.
Car mourant par fureur, sans que la destinée
De ses jours florissants eût la course bornée,
Mourant sans mériter ce trépas malheureux,
La grande Déité du manoir ténébreux
N’avait point à Pluton offert cette conquête,
Ni du cheveu fatal diminué sa tête.
Iris fend l’air humide, et trace un arc luisant,
Ses diverses couleurs au soleil opposant ;
Elle aborde Didon : « J’obéis, lui dit-elle,