Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/95

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des vents et des orages.
Là, le Dieu qui régit ces sujets mutinés
Les dompte, les enferme, et les tient enchaînés.
Ils grondent sous ces monts, ils se livrent la guerre ;
Pour se faire un passage, ils ébranlent la Terre ;
Ils tremblent toutefois à l’aspect de ce Roi,
Qui réprime leur fougue, et leur donne la Loi.
Sans cet ordre éternel de l’Arbitre du Monde,
Leur rage confondrait le Ciel, la Terre et l’Onde ;
Cruels Tyrans de l’air et du moite élément,
Ils n’aiment que le trouble et le dérèglement ;
Mais ils ont pour prison ces Grottes ténébreuses ;
Resserrés sous ces Monts et dans ces roches creuses,
Le puissant Jupiter leur donne un Souverain,
Qui leur lâche, à son ordre, ou leur retient le frein.
Ce Souverain Monarque est le superbe Eole ;
C’est à lui que Junon adresse sa parole :
    « Toi qui reçus des vents le Sceptre impérieux
Par le Roi des Mortels et le Père des Dieux,
Les Troyens fugitifs, ces objets de ma haine,
Avec leurs Dieux vaincus fendent la mer Tyrrhène,
Bravent insolemment tous mes divins efforts,
Et transportent Pergame aux Italiques bords.
Abandonne à tes vents les campagnes amères ;
Poursuis, disperse, abîme, et Nochers et galères ;
Ainsi je te promets le sort le plus heureux
Dont se puisse flatter un espoir amoureux :
De mes Nymphes l’honneur, l’aimable Deiopée
D’un trait doux de ses yeux a ton âme frappée ;
Tu l’aimes, elle est belle, et j’en puis disposer ;
Pense, pour me servir, que tu dois tout oser. »
    Eole lui répond : « Commandez, grande Reine,
C’est à moi d’obéir, et j’obéis sans peine ;
Je règne sur les vents, je dompte leur courroux ;