Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/97

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Pousse avecque fureur les flots jusqu’aux étoiles ;
La rame rompt aux mains du Nocher rebuté,
La nef tourne la proue, et prête le côté,
Et le Pilote cède à la vague aboyante
Qu’il voit, comme un grand mont, sur sa tête pendante.
Elevés sur ces monts, les uns touchent aux Cieux,
Les autres abîmés par un choc furieux,
Entre les flots béants aperçoivent la terre :
Jusqu’au sable profond les Vents livrent la guerre.
Borée attaquant seul trois des plus grands Vaisseaux
Les pousse sur un Roc caché dessous les eaux ;
Trois autres sur un banc, par l’Eure impitoyable,
Demeurent enfoncés sous des monceaux de sable.
    Oronte, Chef hardi des adroits Lyciens,
Du plus haut de sa poupe encourageait les siens ;
D’un front audacieux il brave la tempête ;
Le flot qui s’en émut, s’élève sur sa tête,
Crève, et tombe sur lui, montre un abîme ouvert ;
La nef tourne trois fois, disparaît, et se perd.
    Peu du gouffre profond reviennent à la nage,
Sur les flots sont épars les débris du naufrage :
Le puissant Galion du valeureux Abas,
Celui qui porte Achate intrépide aux combats,
La Nef d’Ilionée, et la Nef qui commande
Aléthès le plus vieux de la Troyenne bande,
De l’orage battus, deçà, delà jetés,
Et tourmentés du choc, s’ouvrent de tous côtés.
    Neptune cependant, au bruit que font les Ondes,
S’éveille et se courrouce en ses Grottes profondes ;
Sent son vaste Palais ému de toutes parts,
Paraît, et sur les flots attache ses regards.
De l’invincible Enée il voit toute la Flotte
Abandonnée aux Vents par le triste Pilote ;
Il voit l’Orage affreux, et par tant de fureur
Il reconnaît