Page:Segrais - L’Énéide (Tome 1), 1719.djvu/98

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la haine et l’esprit de sa Sœur.
« Approche, Eure, dit-il, et toi, mutin Zéphire ;
Et par ce fier propos leur exprime son ire.
Qui vous rend si hardis, Sujets séditieux ?
Etes-vous Souverains de la Terre et des Cieux,
Pour venir sans mon ordre exciter un orage,
Et jusques sur mon Trône exercer votre rage ?
Insolents… (mais il faut mes Ondes aplanir)
Absous pour cette fois, tremblez pour l’avenir :
Fuyez vers votre Maître, et lui faites entendre
Qu’à l’Empire des Mers il cesse de prétendre,
Que par le choix du sort le Trident n’est qu’à moi ;
C’est parmi vos Rochers qu’il peut faire le Roi.
Là peut tenir sa Cour le Dieu qui vous gouverne,
Et sur ses Vents enclos régner dans sa Caverne. »
    A peine il a parlé qu’il rend le calme aux Flots,
Le jour à l’Univers, l’espoir aux Matelots.
Avecque les Tritons, les Nymphes secourables
Dégagent les Vaisseaux des Rochers et des Sables ;
Mêmes où le danger est le plus évident,
Neptune les secourt d’un coup de son Trident ;
Et volant sur son Char par les humides plaines,
A ses Chevaux marins abandonne les rênes.
Tel devient d’un grand Peuple un soudain mouvement.
Ce Monstre forcené dans son emportement
De grès, et de tisons forme un épais nuage ;
Croit tout juste, ose tout, de tout arme sa rage,
Mais si quelque homme grave à l’air impérieux
S’offre, et mêle sa voix aux cris séditieux,
On s’arrête, on l’écoute, et sa bouche éloquente
Adoucit la fureur de la Foule insolente.
    De la mer irritée ainsi cessa le bruit ;
Devant Neptune ainsi la Tempête s’enfuit.
Les Troyens vont cherchant les plus proches Rivages,