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Page:Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/100

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Lucas en savait quelque chose ; il avait les poignets meurtris à force de tirer sur la bête, qui voulait toujours revenir à la Trappe. Et il fallait faire une bonne demi-lieue pour revenir au carrefour, et une autre demi-lieue pour le moins avant de trouver une habitation quelconque où on pourrait se reposer.

« Allons ! il faut revenir sur nos pas, il n’y a pas à dire. Pourvu que nous retombions dans la bonne route », dit le père Thomas.

Lucas ne manquait pas d’énergie ; il était grand et vigoureux pour son âge ; et, quoiqu’il eût un peu perdu l’habitude de l’exercice et de la fatigue depuis qu’il passait ses journées à l’école, il suivit résolument son père pour retourner sur leurs pas, bien décidé à marcher tant qu’il pourrait mettre un pied devant l’autre.

Ils arrivèrent enfin au chemin qu’ils avaient quitté, et ils le continuèrent jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés à un bois qu’ils connaissaient et qui se trouvait à une lieue et demie de leur ferme.

« Ah ! nous voici enfin dans un pays dont j’ai connaissance. Il était temps, car il se fait tard, et il y a plus de quatre heures que nous marchons, et d’un bon pas. Ma foi, je suis rendu, et je vais prendre un temps de repos. Attache la génisse tout au bout de la corde, pour qu’elle puisse paître. »

Lucas déroula la corde qui était tournée autour des cornes de la bête ; pendant qu’elle paissait et se reposait, Lucas, qui tenait la corde, s’endor-