Page:Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/40

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grand paresseux ; va retourner le trèfle que tu n’as fait que pousser, et quand tu auras fini, tu viendras te rafraîchir ; pas avant.

Gaspard, consterné, n’osa pas répliquer, et resta debout, immobile, prêt à pleurer. Quoiqu’il n’eût travaillé ni bien ni beaucoup, la sueur coulait de son front, et il avait évidemment grande envie d’un verre de cidre. Il fit pitié à Lucas.

« Mon père, dit-il, pardonnez-lui ; il était fatigué de l’école, il avait déjà chaud ; c’est pourquoi il a travaillé mollement…

Le père.

Et toi donc, n’as-tu pas été à l’école comme lui ? N’avais-tu pas chaud comme lui ?

Lucas.

Oui, mon père ; mais, moi, ce n’est pas la même chose ; je travaille à l’école moins fort que Gaspard, et je supporte mieux la chaleur et le travail des champs.

Le père.

Parce que tu as du courage et du cœur pour ce qui est du vrai travail, et lui n’est qu’une poule mouillée ; il mérite d’être puni. Il n’en mourra pas, et il fera mieux son devoir à l’avenir… Allons, continua-t-il s’adressant à Gaspard, va au trèfle, retourne tes rangées, et dépêche-toi.

Le ton du père Thomas ne permettait pas de résistance ; Gaspard reprit sa fourche et commença tristement son travail. Lucas se leva et le rejoignit avant que le père eût pu le retenir.