Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/306

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lut mettre le couvert pour trois, mais Prudence s’y opposa.

« Non, mamzelle, les maîtres ne mangent pas avec les serviteurs ; Coz et moi, nous vous servirons, et nous déjeunerons ensuite dans l’antichambre. »

En effet, quand le déjeuner fut prêt, Simplicie se mit à table ; Prudence lui apporta une omelette, deux côtelettes et une tasse de café au lait avec une brioche. Simplicie mangea avec appétit et trouva le service très bien fait. Coz y mettait toute son intelligence et sa bonne volonté ; Prudence y avait mis tout son amour-propre et son amour pour sa jeune maîtresse.

Après le repas, quand la table fut desservie et pendant que Prudence et Coz mangeaient à leur tour, Simplicie, restée seule, sans livres, sans occupations, réfléchit beaucoup et profita de ses réflexions ; elle commença à être touchée du dévouement de Prudence qui ne trouvait même pas sa récompense dans l’amitié et les bonnes paroles de Simplicie ; toujours Simplicie la rudoyait et jamais elle ne lui témoignait la moindre reconnaissance, la moindre affection. La pauvre Prudence, comme un chien fidèle, supportait tout, ne se plaignait de rien, ne demandait ni récompense, ni merci, et croyait n’accomplir qu’un devoir rigoureux là où elle donnait des preuves du plus humble dévoue-