Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/15

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mes cerises, mes délicatesses de tout genre ne lui rendent pas son cher Émile, son petit Émile, l’élu de son cœur. Quelle affreuse pensée tu as, cher enfant, de te corriger de ta charmante et vertueuse exactitude de correspondance ! et quelle fausse pensée qu’un jour sans lettre donnerait de l’inquiétude ! Ce ne serait que de la privation, de la tristesse ; une lettre, qui est un souvenir effectif, console de l’absence en rassurant la tendresse ; c’est une conversation continuée, une communication de pensée et de sentiment, imparfaite sans doute, mais nécessaire quand on aime et quand on se désire vivement aimée. Et comme le pauvre cœur humain si imparfait mêle toujours de l’égoïsme à la tendresse, on (lis, Olga) espère voir que le mari qu’on regrette, qui vous manque, est lui-même triste, mal à l’aise, ennuyé et ennuyeux. On permet toutes les calamités morales, on les désire même et on se réjouit grandement en voyant se réaliser ce vœu d’un bon petit cœur bien tendre, bien dévoué. Je te remercie, cher ami, de la cuisinière que j’attends à chaque minute ; la vieille horreur est partie comme elle était venue, aussi bête, aussi droite, aussi insupportable. Salomon[1] va bien…. Toute la maison a pitié de ta veuve ; si tu retardes ton retour au delà de jeudi, elle ne marchera plus qu’entourée de bras pour la soutenir…. Nous avons une, deux si admirables pensées de logement d’hiver que si tu ne trouves quelque chose de très bien, nous serons contentes que ton voyage ait été inutile. Je laisse ton imagination travailler et je

  1. Le cheval.