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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Paris, mardi 9 avril 1861.


Chère petite, depuis ton départ, la maison est un désert ; l’entresol est un tombeau, le premier est un purgatoire où nous expions tous ton aimable gaieté, ton rire joyeux et ton esprit pétillant. On m’apporte ce matin seulement le cornet à piston de mon cher Jacquot ; je l’expédierai avec ton jupon de laine oublié dans l’armoire. Ton père ne va pas bien ; ton départ l’a assommé ; il a dormi toute la soirée d’hier et quand il parle de toi, il pleure. Il est bon de ne pas oublier qu’on n’est dans cette vie qu’en passant, que les heures qui s’écoulent ne reviendront plus et que la fin de toutes choses approche toujours. Les bonnes pensées donnent du courage et de la joie…

Thérèse va de mieux en mieux; elle n’a pas toussé depuis hier ; Blache ne revient qu’après-demain ; il espère constater une guérison complète.

Je suis dans un silence et un repos absolus dans mon entresol ; j’ai fait fermer ma porte et je n’attends aucune interruption, aucun cri joyeux, mais j’attends avec une extrême impatience des nouvelles de ton voyage, de ton arrivée, de l’entrevue de Marguerite avec Jacques et Jeanne. As-tu pu avoir le coupé ? et n’avez-vous pas eu froid en route ?


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