Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/179

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pour la première fois[1] ; elle était dans son lit rebondissante de graisse et de santé; elle m’a tendu la main ; j’ai dû lui tendre la mienne; elle m’a attirée à elle avec une force inutile à combattre, m’a serré le cou de ses deux gros bras et m’a embrassée cinquante fois en sanglotant; mon cœur de glace ne s’est pas fondu ; j’ai tiré sans succès deux ou trois fois ; à la quatrième je me suis dégagée, en lui demandant tranquillement si le retour du froid ne la remontait pas. Ton père qui arrivait a été comme moi saisi et embrassé ; il l’a engagée à venir dîner quand elle voudrait ; je n’ai dit et ne dirai mot à ce sujet… Il fait froid depuis hier ; il gèle et dégèle selon que le soleil paraît ou disparaît… Adieu, chère petite, je vais chez Sabine… je t’embrasse bien tendrement… J’embrasse les petits. Margot parle-t-elle? Shake-hands à Mylord of Livet-Hall. Mon Vital se gâte, à ce que m’écrit Marais, il n’aime pas le travail suivi. Je crains de devoir m’en séparer. As-tu l’âne et pour combien?



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AU VICOMTE ÉMILE DE PITRAY


Paris, 5 décembre 1861.

Après avoir attendu trois jours pour te répondre, mon cher Émile, je devrais t’écrire bien carrément une bien longue lettre; mais comme toujours je suis pressée et ma lettre s’en ressentira… Elise Veuillot a déjà placé trois mille billets de la Loterie

  1. I1 y avait eu un froid entre ma mère et cette grosse cousine russe qui la fatiguait par ses accès de tendresse exagérée.