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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Les Nouettes, dimanche 10 juin 1859.



Chère petite, je reçois ta lettre et je ne comprends pas bien s’il faut ou non t’envoyer la calèche et Hutfer à Conches. Ce n’est pas le cas de dire : « Dans le doute, abstiens-toi », et si tu ne me donnes pas contre-ordre, je t’envoie la calèche mercredi. La correspondance est plus atroce que jamais; un empilage barbare, deux pauvres chevaux sans relais qui mettent quatre heures et demie a faire les huit lieues et demie qu’on devrait faire largement en trois heures avec quatre chevaux et un relais; à Neuve-Lyre, un arrêt de cinq à six minutes… Bouland a été retardé par les pluies continues, par la coupe terrible de bois, pour laquelle il n’a pas trouvé d’ouvriers comme d’habitude; et quelle coupe, grands dieux! J’en aurais gémi et versé des larmes anières, si je n’avais appelé à mon aide ma philosophie chrétienne; mais prépare-toi à bondir! il y a eu malentendu; je parlais du taillis, il parlait des gros arbres; je parlais de ce qui borde le chemin du bois de la glacière, il parlait de ce qui borde le chemin du Châlois; tu devines le reste. J’ai un superbe hangar, beaucoup de bois, mais à quel prix ! Plus d’ombre au chemin du Châlois, depuis le chemin qui monte près de la glacière, jusqu’au bout. Tout coupé. C’est irréparable, voilà pourquoi je me résigne. N’en souffle mot à ton père; il se moquerait de moi…. Confie seulement