Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans défiance aux recherches les plus hardies ; mais il sera une ligne que nous aurons franchie sans le vouloir. Les notions abstraites, qui seules doivent être incontestables à tous égards, parviennent-elles jusqu’à nous avec netteté au milieu de nos sensations inconstantes, et de la mobilité du monde ? Peut-être faudrait-il d’autres organes pour rencontrer dans ces profondeurs quelque lumière positive (G).

Toute doctrine sur les lois générales se compose de simples hypothèses auxquelles il serait impossible de s’arrêter avec assurance. Si plusieurs hommes ont cru à leurs songes, s’ils ont ambitionné de les faire recevoir comme des découvertes, ce fut ou une imposture ou une prétention étrange. On est porté à se dire que probablement tout est nécessaire, et que si le monde est inexplicable dans cette supposition, dans d’autres il paraîtrait impossible. Et néanmoins nous considérons que les choses sont conduites avec art, et nous pensons que l’intelligence seule les détermine.

L’intelligence, ajouterons-nous, fait un choix entre les modifications qui résultent de la nature des substances. L’univers ne peut exister que suivant de certains modes, et c’est à l’intelligence à en régler les vicissitudes. Sans être l’arbitre absolu des