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SIXIÈME RÊVERIE.



Les excès physiques ou moraux de nos passions et de notre intempérance, prouvent sensiblement ce besoin d’énergie intérieure et de mouvement corporel, ce principe actif qui est la vie même, qui ne cesse que dans le vieillard, et ne s’éteint en lui que parce que sa vie elle-même s’éteint. Nous animons nos sensations, nous nous plaisons à outrer non-seulement celles du plaisir, mais aussi celles de la douleur. Toute passion se concentre en quelque sorte, et se veut nourrir d’elle-même. Le cœur mélancolique cherche une mélancolie plus profonde. L’infortuné chérit le sentiment de ses douleurs ; il aime sa passion malheureuse, il s’abreuve de ses amères délices : leur oubli serait un vide plus intolérable ; il redoute le terme de ses maux, il ne veut point être consolé. L’excès caractérise et nos douleurs et nos joies ; il produit et nos vertus et nos