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Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/269

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L’homme passionné a moins besoin d’impulsions extérieures ; le principe du mouvement est en lui. Mais celui qui n’a point de passions, ou celui qui juge ses passions mêmes, pour qui il n’est plus d’illusions, et qui veut suivre la froide raison, celui-là a besoin d’un moteur pris dans les événemens. Comme il est désabusé, il ne cherchera rien ; il ne s’agitera pas, parce que ses désirs sont modérés, ou qu’il les surmonte. Il suivra son sort, il ne le crééra pas ; et si son sort le conduit à l’apathie, il n’en sortira pas. Sa raison blâmera cet abattement, mais elle ne le détruira point ; la volonté qu’elle produira sera forte, sans être active ; je veux dire que s’il faut nécessairement agir, elle résistera à tout pour suivre l’impulsion qu’elle aura choisie ; mais qu’en vain elle déterminera celle qu’il faudroit suivre, si elle est dans une position où elle puisse n’en suivre aucune, et dans cet état de langueur où l’on desire n’en suivre pas. On a vu des paralytiques, qui n’eussent pu faire un mouvement si on leur eût froidement annoncé que de ce seul mouvement dépendoit leur existence, on les a vu se lever et marcher vivement dans un moment d’effroi subit ou de violente colère. La plus