Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 297 )

gers abondans, et d’habitations éparses à la manière patriarchale, coupées de belles eaux et ombragées de forêts pyramidales, s’élèvent fécondes et libres jusqu’à l’amphithéâtre des monts secondaires couronnés par la majesté des Alpes. Leurs formes sont sévères et sublimes ; cette chaîne peut-être est seule[1] sur le globe. Lumineuse de tous les reflets de l’aurore et du couchant sur ses neiges unies et encroûtées, ou bien, aux ardeurs du Sud, vaporeuse et comme fumante et embrasée sous le voile éthéré, elle prolonge sa splendeur des aiguilles de l’Allée-Blanche et des dômes du Blumlis-Alp jusqu’aux sommets de Sargans et d’Appenzell. L’œil étonné de son immensité, croit la voir toute entière dans chacune de ses branches partagées et commandées par le colosse du Mont-Blanc et les escarpemens du Pic des Orages. Cent vallées, soumises aux mœurs opposées de cent peuples antiques, se dessinent dans leur profondeur. Là fleurissent dans d’inviolables asiles et les séductions du printemps et les douceurs automnales au sein des frimats séculaires. Là

  1. On sait que ses vallées profondément creusées, donnent à ses aiguilles et à ses glacières une élévation apparente, et une aspérité de formes supérieures à celles même des Andes.