désirant et craignant toujours, il seroit toujours inquiet et fatigué. Dans la mobilité de chacun de ses plaisirs, il verroit la mobilité de son bonheur ; et perdant sans cesse quelque chose, il craindrait sans cesse de tout perdre un four : tous ses plaisirs seroient incomplets et stériles ; il ne seroit tout entier à aucun ; il auroit des regrets, des craintes, des désirs ; il ne seroit jamais calme, il ne seroit pas, heureux.
Le bonheur véritable n’est donc accessible que dans une vie simple et circonscrite. Ce n’est pas à dire qu’une telle vie soit nécessairement heureuse ; elle ne sauroit l’être si l’on y porte des passions étrangères à son sort, une ame étroite et dépendante, un cœur vide et déjà flétri.
Le sentiment de sa propre existence doit primitivement suffire à l’être qui se connoît lui-même. Puisqu’il sent, il jouit ; il est heureux de cela seul qu’il vit, et jouit de cela seul qu’il se conserve pour jouir. Toute situation indifférente lui est bonne, et il repose dans la permanence du bien-être tant qu’il ne sent pas péniblement. Le mal qu’il trouve dans la nature est si instantané qu’il ne peut flétrir sa vie. Le bonheur est son état nécessaire ;