Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/323

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lieux qu’il faudrait parcourir. On n’a plus ces grands desseins, parce que leur objet, devenu trop vaste, a passé les facultés et l’espoir même de l’homme ; comment conviendraient-ils à mes facultés solitaires, à mon espoir éteint ?

Que vous dirai-je encore ? La servante qui trait ses vaches, qui met son lait reposer, qui enlève la crème et la bat, sait bien qu’elle fait du beurre. Quand elle le sert, et qu’elle voit qu’on l’étend avec plaisir sur le pain, et qu’on met des feuilles nouvelles dans la théière, parce que le beurre est bon, voilà sa peine payée ; son travail est beau, elle a fait ce qu’elle a voulu faire. Mais quand un homme cherche ce qui est juste et utile, sait-il ce qu’il produira, et s’il produira quelque chose ?

En vérité, c’est un lieu bien tranquille que cette gorge d’Imenstrôm, où je ne vois au-dessus de moi que le sapin noir, le roc nu, le ciel infini : plus bas s’étendent au loin les terres que l’homme travaille.

Dans d’autres âges, on estimait la durée de la vie par le nombre des printemps ; et moi, dont il faut que le toit de bois devienne semblable à celui des hommes antiques, je compterai ainsi ce qui me reste par le nombre de fois que vous y viendrez passer, selon votre promesse, un mois de chaque année.

LETTRE LXIX.

Im., 27 juillet, VIII.

J’apprends avec plaisir que M. de Fonsalbe est revenu de Saint-Domingue ; mais on dit qu’il est ruiné, et de plus marié. On me dit encore qu’il a quelque affaire à Zurich, et qu’il doit y aller bientôt.

Recommandez-lui de passer ici : il sera bien reçu. Cependant il faut le prévenir qu’il le sera fort mal sous