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Page:Senart - Essai sur la légende du Buddha.djvu/132

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ESSAI

sattvas et de Buddhas appliquer leurs facultés surnaturelles à tirer la langue, à l’élever jusqu’au monde de Brahmâ, à en faire jaillir un nombre incalculable de rayons lumineux[1], nous ne pouvons méconnaître que nous sommes en plein domaine mythologique, ni demander à la réalité le secret de ces fantastiques rêveries. L’Ushṇîsha a aussi pour fonction d’émettre des rayons fabuleux qui éclairent tous les mondes ; et du cercle de poils laineux et blancs qui s’étend entre les sourcils partent ces lueurs qui vont surprendre et réjouir un instant jusqu’aux tristes habitants des enfers Lokântarikas. On pourrait, à toute rigueur, imaginer que les disciples de Çâkya eussent découvert sous la plante de ses pieds certaines lignes dont, pour des yeux prévenus, la combinaison donnât à peu près l’apparence d’une roue avec sa jante, ses rais et son moyeu ; mais comment séparer ce trait du rôle si considérable et de la roue et des pieds sacrés dans le culte et dans la tradition, ou comment dériver un fait si notable d’un puéril accident d’optique légendaire ? Ici, comme dans tous les cas analogues, les traits fondamentaux et anciens sont sûrement les plus singuliers, les plus mythologiques ; les plus simples, les plus réalistes doivent nous être aussi les plus suspects ; de ces derniers, plusieurs ont du reste laissé en chemin des nuances qui les rendaient à l’origine plus significatifs et plus caractéristiques. Ils ne sauraient, en aucune façon, nous empêcher de reconnaître les vrais éléments de ce corps merveilleux du Buddha ; la légende nous en dénonce assez la divine origine, quand elle nous le montre s’étendant, par l’effet de sa puissance surna-

  1. Lotus de la bonne Loi, p. 234.