Page:Senart - Essai sur la légende du Buddha.djvu/131

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ou signes principaux, et quatre-vingts anuvyañjanas ou signes secondaires. Le mémoire que Burnouf a consacré à cette double énumération[1] demeurera sans doute définitif pour la plupart des détails de l’explication littérale et philologique ; il n’en est pas de même en ce qui touche la valeur générale et la signification de l’ensemble.

On n’a vu jusqu’ici, dans cette description, que des « signes de beauté, » inspirés soit par l’idéal indien de la perfection physique, soit par des souvenirs directs de quelques particularités propres à la personne historique de Çâkyamuni. (Burnouf, p. 618 et suiv., Introduction, p. 346.) Le caractère évidemment fabuleux de certains traits doit pourtant mettre d’abord en garde contre une interprétation trop réaliste de tous les autres. Personne ne peut douter que les « roues belles, lumineuses, » inscrites sous la plante des pieds, ne relèvent, au moins sous cette forme précise, de l’invention et de la fantaisie ; il en est visiblement de même de cette protubérance qui couronne le sommet de la tête ; elle dénoterait une conception vraiment trop étrange de la beauté ; l’on en peut dire autant de cette « langue longue et mince » du Mahâpurusha, assez longue pour aller rejoindre son front. Sans parler de ce « goût excellent », et surtout très puissant, qualité assurément singulière chez un Buddha, la « voix de Brahmâ » ni la « mâchoire de lion, » prises littéralement, ne donnent un sens appréciable. En supposant même qu’il parût possible de rattacher à la réalité, à des souvenirs altérés et lointains, l’un ou l’autre de ces traits, ce procédé aurait encore contre lui leur rôle dans la légende et dans le culte. Quand nous voyons une assemblée composée de myriades de koṭis de Bodhi-

  1. Lotus de la bonne Loi, p. 553 et suiv.