Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/100

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gouvernement, toute loi révélée ou naturelle : car la loi naturelle a auſſi les devoirs, & la loi civile n’eſt que ſon interprête, & je m’écrie : Liberté, liberté ; & ſi quelqu’un vient me dépouiller de mes biens ou m’arracher la vie, il s’écriera auſſi : Liberté, liberté.

Et je me joins à mon maître, lorſqu’il appelle les peuples autour de lui, & qu’il leur dit : Inſenſés que vous êtes, vous avez donné à vos ſouverains les noms de Grand, de Bien-Aimé, de Juſte, de Sage, de Bon, de Père de la patrie & du peuple, de Délices de l’univers, & je viens vous déclarer qu’il n’y a jamais eu un roi qui ait gouverné pour l’utilité publique ; que tous arrivent au trône méchans, ou que le trône les rend tels.

J’écoute mon maître, je l’admire ; il prononce, & les faits diſparoiſſent.

Mais ſi la liberté abſolue eſt eſſentielle à tout homme, elle l’eſt plus encore au philoſophe : il convient que celui-ci puiſſe tout dire & tout écrire, que perſonne n’ait le droit de lui répondre, & que ceux qui l’oſeroient, il puiſſe les traiter à ſon choix d’étourdis, de ſots, de fripons, de menteurs ou d’impies. Le deſpotiſme orgueilleux qui le faiſoit frémir, deviendra l’appanage de la philoſophie ; il imitera les foudres de la religion même qu’il veut anéantir, & tiendra les hommes proſternés devant la terreur de ſes jugemens.

J’avoue que Socrate, Platon, Ariſtote, Deſcartes, Newton, Locke n’ont jamais eu cette prétention d’infaillibilité excluſive & d’autorité irréfragable : ils cherchoient, ils doutoient, ils propoſoient, ils ne ſe