Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/105

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Je verrai le mal & le bien néceſſairement mêlés par-tout dans les choſes humaines, & je dirai avec lui que tout eſt bien dans l’état de nature ; & que tout eſt mal dans l’état civil ; la ſociété ſera floriſſante, & je gémirai ; l’harmonie y règnera, & je n’y verrai que déſordre ; les peuples n’auront jamais le bon ſens de retourner à l’anarchie, & je ne m’en conſolerai point ; l’inſtruction, la conſolation, l’édification, ſeront répandues par les miniſtres de la religion, & & je ne le verrai pas ; les magiſtrats rendront la juſtice au peuple, & je dirai que le peuple eſt ſans ceſſe opprimé ; la ſcience fera chaque jour des découvertes nouvelles, & je ſoutiendrai que la ſcience n’exiſte pas ; les richeſſes prodigueront les bienfaits, & je dirai qu’elles ne font que du mal ; je verrai des actes de vertu ſans nombre, & j’aſſurerai qu’il n’y a point de vertu ; les hommes ſe rechercheront ſans ceſſe, & je leur ſoutiendrai qu’ils ſe haïſſent ; ils ajouteront à leurs liens naturels & civils mille autres liens volontaires, & j’affirmerai qu’ils étoient deſtinés à s’éviter & à ſe fuir ; les matériaux des arts leur ont été préſentés par la nature, je dirai que leurs arts ne ſont qu’une corruption de la nature ; ils uſent des facultés & des bienfaits qu’ils ont reçus de l’Etre-ſuprême ; ils ſont donc coupables envers lui ; ils ont cultivé la terre, ils ont fait un crime.

Et je déclare hautement que tous les hommes ſont eſſentiellement égaux ; qu’Achille & Therſite ne