Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/106

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différoient point en force & en courage ; que Catilina & Caton, Néron & Titus avoient préciſément les mêmes mœurs : que les nains & les géans ſont exactement de la même taille, & qu’ainſi l’inégalité entre les hommes n’a pu avoir ſa ſource dans la nature

Je déclare encore que le premier homme qui a dit à un autre : Je ne prétends rien au champ que tu cultives, fut un ſcélérat, & que le premier qui dit à ſon ſemblable : Je renonce à la liberté de t’égorger, fut un monſtre.

Au reſte, on fait aſſez que Corneille, Deſcartes, Mallebranche, Fénélon, Paſcal, la Rochefoucauld, & les autres ſçavans de cette trempe étoient fouillés de toutes fortes de vices : en conſéquence, je ſuis intimement convaincu que toutes nos académies ſont des pépinières de voleurs & d’aſſaſſins, que tous les filous ſont extrêmement adonnés aux lettres & aux ſciences, & que Cartouche devoit être le plus beau génie de ſon ſiècle ; c’eſt une juſtice que perſonne ne lui refuſe aujourd’hui : car ſi les ſciences corrompent les mœurs, le premier des ſcélérats doit être inconteſtablement le premier des ſçavans ; & je prouverai, s’il le faut, que dans les ſiècles d’ignorance, par exemple, ſous les règnes de Frédégonde & de Brunehaut, les françois étoient tous vertueux, & les mœurs dignes de l’âge d’or.