Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/107

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J’exhorte ſolemnellement les hommes à détruire la race des abeilles & des caſtors, qui nous ont donné le pernicieux exemple de vivre en ſociété, de maſſacrer ſans pitié la tendre tourterelle, exemple contagieux d’un amour conſtant, & d’anéantir l’eſpèce innombrable des chiens, modèles infâmes d’une amitié ſouvent héroïque, & nous nous bornerons à imiter le tigre indompté & le lion rugiſſant.

Et j’affirme, avec mon maître, que le genre-humain, depuis ſix mille ans qu’il exiſte, n’a pas produit un ſeul raiſonnement juſte, que les hommes ont penſé & agi conſtamment & univerſellement contre leur nature, que les loix ſont ennemies des hommes, que je briſe leur joug, & que le ſophiſme doit prendre le ſceptre en main, & règner ſur la terre juſqu’à la conſommation des ſiècles.

Tels font les articles principaux de la doctrine toute céleſte que je profeſſerai juſqu’à la mort, & que je ſignerois de mon ſang, s’il étoit néceſſaire, Soumis de cœur & d’eſprit, j’ai demandé à mon maître : Qui ès-tu ? Il m’a répondu : Tu vois en moi le génie des contradictions, le fléau de l’évidence & l’inventeur des remèdes impoſſibles pour les maux qui n’exiſtent pas.

Et je me proſterne devant lui, en attendant que quelque gouvernement éclairé lui dreſſe des ſtatues,