Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/18

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Quand le public a vu que la ſuite des Confeſſions ne venoit point, il s’eſt mis à la deviner ; dans ſon impatience, au lieu d’attendre l’ouvrage, il l’a fait. Tout éloigné que j’étois alors du tourbillon des rumeurs, je puis atteſter que j’ai oui nommer deux femmes diſtinguées qui, diſoit-on, devoient être peintes dans les Confeſſions futures à-peu-près comme Mme de Warens. Ainſi la haine, la frivolité, l’ignorance, ſuivies de la calomnie, ſont allées par-tout répandant les portraits de leur imagination ſous le nom respecté de Rouſſeau.

A Dieu ne plaiſe que je prétende donner des conſeils à des hommes de qui j’en recevrois plus volontiers moi-même ! En conſidérant tant d’abus, je propoſe ſimplement à MM. les éditeurs de Rouſſeau, ſi dans le tems il n’eût pas été généreux & juſte, s’il ne ſeroit pas juſte & généreux encore de déclarer authentiquement au Public que la ſuite des Confeſſions n’a jamais exiſté, ou qu’elle eſt anéantie.

En liſant ces Confeſſions, & parmi le premier tumulte qu’elles excitèrent, je me ſuis ſouvent figuré ce coin paiſible d’une terre charmante, où cet homme célèbre termina ſa carrière ; je croyois voir cette tombe ombragée par des peupliers, & je me diſois : C’eſt donc là que repoſe un peu de pouſſière qui fut Rouſſeau, & c’eſt pour ce déplorable reſte qu’on oſe tourmenter des hommes honnêtes qui ſans doute admirèrent Rouſſeau, & peut-être l’auroient aimé, ſi véritablement il eût voulu qu’on l’aimât. Que ce tombeau ſimple & ruſtique convient bien à l’ami des mœurs & de la nature ! C’eſt plus encore l’aſyle de la paix qu’un