Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je penſe qu’une bienſéance délicate impoſoit un grand devoir aux éditeurs : celui de ne nommer, de n’indiquer qui que ce fût dans ces ouvrages, pas même pour le louer ſans ſa permiſſion expreſſe, ou celle des perſonnes qui le repréſentent dans la ſociété. La raiſon en eſt ſimple : on ſavoit aſſez que ces écrits, & ſur-tout les Confeſſions, par le caractère de l’Auteur & l’objet de l’Ouvrage, exciteroient beaucoup de chaleur & de haine : certainement tout homme un peu ſage eût difficilement conſenti même à être loué dans une production que tant d’autres avoient intérêt de décrier.

Mais laiſſons ce point : ſi la délicateſſe dans les procédés eſt aimable, la minutie dans la cenſure eſt très-haïſſable ; je ne ferai même remarquer qu’en paſſant deux ou trois perſonnes aſſez déſagréablement notées dans les Confeſſions : un M. de Tavel déſigné comme le corrupteur inſigne de Mme de Warens, un M. Daubonne qualifié d’aventurier, qualification fort-odieuſe à côté d’un nom qui dès longtems eſt dans le pays de Vaud le nom de l’honneur & de la probité. Je pourrois encore citer l’un des élèves que Rouſſeau eut à Lyon : il couvre ſon enfance d’un ridicule qui pourroit percer jusques dans ſa virilité.

Je laiſſe ces perſonnalités, & ne m’arrête qu’à celles qui portent ſur deux perſonnes plus véritablement diffamées : je parle de M. Bovier & de Mme de Warens. Il eſt vrai que, même en les diffamant tous deux, l’intention de Rouſſeau paroît être d’accuſer l’un & d’excuſer l’autre. On verra donc dans ces deux exemples le génie de Rouſſeau quand il loue ou quand il blâme.