Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/28

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mois tous nos arrêts furent portés. Je ne me cite ici que parce que je m’y trouve, & non parce que je m’y mets ; je ſuis du moins, a mes propres yeux, une preuve de l’innocence de M. Bovier : j’avois certainement des intentions pures à l’égard de Rouſſeau, & je n’en ai pas moins reçu de lui quelques lettres dont le ton amer & ironique me diſoit nettement que mes intentions étoient complètement méconnues ; & ſi dans ces dispoſitions nous avions trouvé enſemble un ſaule épineux, je ne ſais ce qu’il en fut arrivé ; je l’aurois infailliblement laiſſé empoiſonner, car j’ignorois la propriété du fruit rouge ; il me l’eût reproché ; j’aurois ſans doute répondu tout de travers à ſon gré, & je figurerois dans les Promenades de Rouſſeau comme empoiſonneur, à la place de M. Bovier. Cependant, dans le vrai, qu’avions-nous fait ? Notre crime étoit notre zèle même : nous nous occupions de cet homme ombrageux plus qu’il ne vouloit peut-être, & ſans doute bien plus qu’il ne falloit : nous aurions voulu qu’il respirât le bonheur avec l’air. Il deſiroit une maiſon de campagne ; c’étoit à qui la trouverait, à qui l’offriroit. Il s’effrayoit des viſites & des importuns ; on les écartoit ſans pitié ; nous nous abſtenions nous-mêmes de l’être (du moins nous le penſions.) Il vouloit herboriſer ; auſſi-tôt herboriſeurs & botaniſtes de s’offrir. Je me rappelle que je ne ſais quel profeſſeur s’aviſa préciſément alors d’injurier Voltaire & Rouſſeau ; voilà tous les proſélytes en allarme ; on fait tancer le profeſſeur, on lui met la main ſur la bouche, on étouffe le bruit de ſa ſottiſe, on tâche de lui couper toutes les avenues