Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/30

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quences que Rouffeau en avoit ſçu tirer. Quant à moi, témoin & même acteur dans les autres ſcènes, je n’avois jamais jusqu’à ce moment oui parler de celle-ci ; & l’honnête paſſant qui avertit ſi charitablement Rouſſeau, & qui ſans doute entendit l’excuſe rare de M. Bovier, mit ſi peu d’importance à la chove, qu’il a fallu que Rouſſeau l’écrivît pour la ſavoir. J’avoue que liſant pour la première fois cette cruelle page de ſes écrits, quand je vis une accuſation ſi odieuſe s’exhaler, pour ainfſ dire, comme une odeur infecte, de ſon tombeau, je me dis en tremblant : Et moi auſſi, j’ai approché cet homme ! J’en demande pardon à ſes admirateurs : me voilà prêt à pleurer avec eux ſur ſa tombe, à genoux, l’Emile & l’Héloïſe à la main ; mais ſi nous ſommes équitables pour lui, ſerons-nous ſans juſtice pour les autres, & faudra-t-il qu’une partie de la gloire de Rouſſeau conſiſte dans l’opprobre de ſes contemporains ?

Peu après que Rouſſeau eut quitté Grenoble, arriva la petite ou la grande aventure de Thévenin. Cet incident, que je crois fort-ſimple, acheva de perdre M. Bovier dans la tête de Rouſſeau (ſi toutefois il reſtoit ſur cela quelque choſe encore à faire.) je raconterai ce fait en peu de mots.

Un ouvrier chamoiſeur, nommé Thévenin, travailloit à Grenoble dans le tems de Rouſſeau. J’ai oui dire alors que cet homme étoit extrêmement ſimple & timide : quel qu’il fût, il s’adreſſa à M. Bovier, dont les relations avec Rouſſeau étoient connues, même dans le peuple, & le pria