Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/31

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de demander, de ſa part, à M. Rouſſeau 9 francs qu’il lui avoit prêtés depuis quelques années.

Thévenin, ouvrier chamoiſeur, presque dans l’indigence, avoir prêté 9 francs à J. J. Rouſſeau ! Aſſurément la choſe méritoit peu de créance & beaucoup d’explications.

Voici celle qu’il donna. Parti de la Charité-ſur-Loire pour aller en Suiſſe, & paſſant au village des Verrières, Thévenin rencontra dans le cabaret un étranger qui ſe faiſoit appeler Rouſſeau. Il en fut accoſté, & la converſation alla ſi vite, la liaiſon fut ſi prompte que le ſoi-diſant Rouſſeau donna à Thévenin une lettre de recommandation pour Yverdon. Il eſt vrai que le protecteur pria le protégé de lui prêter quelque argent, ce qu’il fit. Thévenin, ſelon ſon dire, en fut quitte pour 9 francs ; & ce Rouſſeau, afin de témoigner ſans délai ſa reconnoiſſance, lui lâcha de ſurplus deux autres lettres de recommandation, une ſeconde pour Yverdon, & la troiſième pour Paris ; dans celle-ci, par parenthèſe, l’emprunteur Rouſſeau avoit mis, dit-il, pour ſignature le Voyageur perpétuel. En ſuppoſant un homme fort-ſimple, il paroît que le voyageur perpétuel l’étoit beaucoup moins ; & ſans doute il étoit plus que vraiſemblable que cette aventure ne pouvoit jamais concerner le J. J. Rouſſeau révéré dans l’Europe.

Malheureuſement M. Bovier ne fit d’abord dans ce récit que les rapports entre Rouſſeau & la Suiſſe, qui étoit le lieu de la ſcène. Ces lettres de recommandation qui étoient véritablement adreſſées à des