Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/41

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ignore abſolument que ma foible plume, à 50 lieues de lui, s’occupe à tracer ſon nom.

Mme de Warens, que perſonne ne connoiſſoit, eſt devenue célèbre dans toute l’Europe par les Confeſſions de Rouſſeau. J’ai conſulté ; autant que je l’ai pu, ſur ces étranges révélations, l’opinion des honnêtes gens, & je puis atteſter que tous les blâmoient ſans reſtriction. Je n’aurois qu’un mot à dire, & je le crois déciſif : ſi Mme de Warens vivoit, eût-on fait imprimer ces infamies ? Or, elle vit encore : elle vit dans ſa famille, dans celle de ſon mari, dans la perſonne de tous ſes proches, tous exactement déſignés par Rouſſeau ; graces à ſon exactitude, aucun de leurs noms ou ſurnoms ne manque. Eh ! quels ſont ces proches ? Je ferois remarquer qu’ils ſont d’une ancienne nobleſſe, ſi ce n’étoit leur moindre titre dans un pays où la vertu eſt plus conſidérée que la nobleſſe. Ainſi, des hommes dont le front pur n’auroit jamais rougi pour eux-mêmes, ſont aujourd’hui forcés de rougir pour une femme qu’ils avoient adoptée ! Ainſi, depuis la publication de ces honteuſes Confeſſions, pendant 6 mois, un an (qui peut borner ce tems ?) nul parent, nul allié de Louiſe-Eléonore de la Tour de Pil, femme de M. de Warens, n’a pu entrer ſans quelque crainte dans le moindre cercle du coin le plus reculé de l’Europe ! Par-tout il risquoit & risque encore de trouver les bouches occupées à ſe renvoyer ſon nom, comme le jouet de l’opinion & de la ſatyre, comme le ſujet éternel de disputes & de blâmes honteux. A ſon approche, on dira : Voici un parent de Mme de Warens ;