Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/43

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Rouſſeau ne ceſſoit de dire : Si vous voulez m’obliger, que ce ſoit à ma manière, & non pas à la vôtre. Une femme lui diroit : Louez-moi comme il convient à toutes les femmes d’être louées, & non comme il convient à vous ſeul que je le ſois, & ſur-tout ne me louez pas comme un ennemi adroit voudroit me calomnier. Auſſi ne crois-je point avoir exagéré en aſſurant que les éloges de Rouſſeau diffament encore plus celle qui en eſt le miſérable objet Quand le lecteur voit un homme tel que le citoyen de Genève adorer Madame de Warens, & pourtant avouer ſes honteuſes foibleſſes, il ſe dit à lui-même : Si la gratitude, ſi la tendreſſe peignent ainſi cette femme, qu’eût fait la vérité ſévère ? On n’eût point cru la haine publiant ces déréglemens ; on y ajoute encore quand l’amitié même les avoue : réflexion dont on peut tirer, en paſſant, une pratique bien importante ; c’eſt qu’on doit très-rarement ſe permettre de parler des fautes de ſes amis : l’excuſe d’un ami accuſe.

Quelle étoit donc l’obligation de Rouſſeau à l’égard de Mme de Warens ? Comme amant favoriſé, la bienſéance lui impoſoit un devoir reconnu : celui de ſe taire ; mais ce devoir une fois violé, les mœurs impoſoient à Jean-Jacques un devoir plus ſacré, celui de ne point la louer. Or, Rouſſeau a violé à-la-fois la bienſéance qui lui commandoit le ſilence, & les mœurs qui lui défendoient l’éloge.

Dans cette partie de ſes Confeſſions, le citoyen de Genève nuit aux mœurs publiques, de deux manières : par les choſes qu’il dit, & parce que c’eſt lui qui les dit. Prenons bien garde en effet, que Rouſſeau ne