Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/45

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femme foible envers un amant ; mais celle qui a violé la pudeur naturelle doit toujours, par-tout, & ſans exception, être couverte du mépris public. Il y a de ceci une autre raiſon bien-ſenſible pour les hommes ; la pudeur eſt néceſſaire à leurs plaiſirs, & le mépris public eſt véritablement une peine, infligée par eux à la femme dont l’effronterie leur ravit le plus délicieux plaiſir, celui de vaincre la pudeur par l’amour. Quel homme a mieux ſu tout cela, qui l’a mieux dit que l’auteur d’Héloiſe ?

Je pourrois citer un autre autorité ſingulière : c’eſt Ninon de l’Enclos. Elle ſembloit reconnoître ces vérités, quand, pour ſe ſauver du mépris, elle abdiqua publiquement ſon ſexe, & déclara qu’elle ſe faiſoit homme. Cependant elle eut beau ſoutenir cette extraordinaire démarche par toutes les graces mêlées à pluſieurs vertus, à peine elle ſe fit pardonner, & l’on peut dire que cet exemple a paſſé ſans conſéquence. Depuis Ninon l’on ne cite guerre de femme qui ait uni le libertinage à l’eſtime publique ; encore cette Ninon fit-elle l’amour pour l’amour ; elle excuſa du moins le plaiſir par le plaiſir ; mais que penſer de Mme de Warens, d’une femme qui, ſans amour, & même ſans plaiſir, ſe proſtitue froidement & par pure dépravation de principes, d’une femme qui s’expoſe à tous les périls de la débauche, à la honte des dégoûts, à l’infamie d’une groſſeſſe, & cela pourquoi ? Pour récompenſer dignement Claude Anet, ſon domeſtique, pour s’attacher un garçon perruquier inſolent autant que ſot, & digne de riſée pour toute femme qui n’auroit pas ſingulièrement eſtimé le mérite de la